Chères et chers camarades,
Après avoir abordé, Monika, Jean-Nat et moi, avec les sections régionales de notre Parti dans les rencontres des mois de novembre et décembre derniers, la législature écoulée et les grandes orientations qui devraient guider le canton pour les années à venir, nous avons choisi d’aborder le Congrès d’aujourd’hui en nous focalisant sur trois thématiques prioritaires qui nous sont chères : l’égalité des chances (Monika), le marché du travail (Jean-Nat) et le rôle de l’État.
Des thèmes qui nous sont chers non seulement à Monika, Jean-Nat et moi, mais au Parti socialiste et à la gauche en général. Et chers à la gauche, parce qu’ils sont trois thèmes qui sous-tendent tout ce qui fait qu’une société vit comme un ensemble, cohérent et prospère, soucieux de la place de chacun, mais pas uniquement comme une addition d’individus.
Et avant de m’exprimer sur le troisième de ces thèmes (le rôle de l’État), j’aimerais relever avec plaisir que si chacun d’entre nous ne s’exprime que sur un thème, il est en mesure de le faire au nom des trois, la confiance et l’action commune ayant caractérisé notre approche et celle de l’ensemble du gouvernement au cours des quatre années écoulées. C’est donc l’occasion aussi pour moi de remercier publiquement mes collègues pour la qualité du dialogue, des échanges et de la confiance que nous avons pu entretenir tout au long de ces quatre années, et ce malgré les difficultés rencontrées. Une qualité de relation qui est, je crois, à l’origine de la confiance retrouvée de la population de notre canton dans ses institutions ; une qualité de relation qui est aussi, pourquoi ne pas le dire, une source importante de motivation et de plaisir dans l’action qui est la nôtre au sein du Conseil d’État.
Restaurer la confiance de la population dans ses institutions : ce fut l’un de nos objectifs essentiels depuis le début de la législature, en particulier parce que nous croyons que l’État a un rôle important à jouer et parce que nous savons qu’il n’est pas en mesure de le jouer s’il ne suscite pas cette confiance. J’en viens donc à ce thème : celui du rôle de l’État.
Évoquer le rôle de l’État impose de commencer par les moyens de l’État et la façon dont on les gère.
De ce point de vue, la législature écoulée a notamment été marquée par l’adoption d’une nouvelle législation financière (LFinEC).
Une nouvelle législation qui ne se traduit pas seulement par l’application de nouvelles normes comptables (même si celles-ci sont importantes aussi pour la confiance que suscite l’État lorsqu’il doit obtenir les ressources nécessaires à son fonctionnement), mais aussi :
- par l’harmonisation des pratiques entre État et communes, favorable notamment au dialogue entre eux et favorable à une meilleure compréhension de l’action publique (mêmes règles appliquées par tous) ;
- par une plus grande transparence dans la gestion des ressources publiques et dans les états financiers des collectivités.
Mais surtout, une nouvelle législation qui traduit une conception du rôle de l’État : face à la demande rigide (de la droite en début de législature) d’imposer l’équilibre du compte de fonctionnement chaque année et quelles que soient les circonstances, nous avons réussi à intégrer dans cette législation le rôle stabilisateur de l’État. Désormais, la règle de l’équilibre s’applique en moyenne sur 4 ans et l’alimentation/utilisation d’une réserve conjoncturelle est explicitement prévue. La possibilité de déroger aux règles du frein à l’endettement pendant 2 ans en cas de mauvaise conjoncture a aussi été intégrée.
La législation financière permet ainsi de préserver les ressources à disposition de l’État et d’inscrire son action dans la durée. Au cours de la prochaine législature, nous aurons sûrement à réviser les règles liées aux investissements, de façon à éviter d’amplifier les cycles conjoncturels par des enveloppes qui se réduisent en période de basse conjoncture.
Les moyens de l’État c’est aussi la politique fiscale.
Et sur ce point, la législature écoulée a vu la poursuite de réformes favorables à la croissance des recettes des collectivités. Au plan des personnes morales, les recettes atteignent, actuellement en basse conjoncture, un niveau équivalent à celui qui prévalait avant la réforme en haute conjoncture. La réforme a aussi permis des progrès en matière d’équité et de transparence, avec une réduction importante du nombre de sociétés allégées et la fixation de règles à respecter pour les allégements qui pourront être octroyés à futur.
La politique fiscale a aussi permis la poursuite de mesures favorables à l’attractivité du canton et aux familles. Pour les personnes physiques, la réforme a été favorable à l’égalité hommes-femmes, et a intégré des incitations au travail du plus grand nombre. Une réforme que nous avons néanmoins ralentie, puis suspendue, dès lors qu’elle menaçait le niveau des ressources de l’État.
En outre, s’est progressivement imposé aussi le principe que les recettes ne devaient pas se réduire. Grâce notamment à l’action du groupe socialiste au Grand Conseil, les baisses fiscales ont pu être compensées (orientation adoptée même face au hold-up fiscal des députés de droite, lors de la session de décembre, par la rédaction du barème durant la session elle-même).
Par ailleurs la législature a aussi vu l’instauration de nouvelles recettes (FFPP, impôt foncier et impôt sur les gains immobiliers) et la réaffirmation du principe d’équité fiscale, avec une action forte incitant à la régularisation (campagne Réglo), en préambule à la campagne de resserrement des contrôles. À ce sujet, Neuchâtel a été l’un des seuls cantons à n’avoir rien abandonné des montants d’impôts dus (seuls les intérêts et les sanctions pénales ont été allégés). Une attitude qui a, elle aussi, permis de générer d’importantes recettes pour les collectivités.
Ces principes (préservation des ressources des collectivités, compensation des baisses), nous aurons à les défendre encore lors de la prochaine législature vu l’évolution annoncée du contexte fédéral (adaptations imposées) et l’avalanche de propositions électoralistes annoncées ou déjà déposées sur les questions fiscales.
Au cours de la prochaine législature, nous aurons aussi à examiner, en lien avec la politique sociale, le fait que la fiscalité est élevée à Neuchâtel pour les catégories les plus fragiles et qu’elle est de ce fait à l’origine d’importants effets de seuil.
J’en viens maintenant aux rôles de l’État auxquels nous nous sommes attachés (évocation évidemment non exhaustive par quelques exemples pour illustrer comment les valeurs que nous défendons peuvent s’exprimer concrètement) :
- Celui de stimuler et d’orienter le développement (car la prospérité est essentielle pour assurer les revenus de l’État et pour procéder aux réallocations nécessaires à la réalisation de meilleurs équilibres sociaux). Au cours de la législature, cela s’est notamment traduit par :
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le maintien de volumes d’investissements publics indépendamment de la conjoncture ;
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l’encouragement à la construction de logements (en particulier d’utilité publique). Cette question reste un grand défi pour la prochaine législature, en particulier s’agissant des logements avec encadrement, dont nous devrons stimuler la construction avec les communes pour préparer notre canton au vieillissement de la population ;
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l’inscription des projets de l’État en soutien à des projets de transformations urbaines : aux Cadolles à Neuchâtel, dans le quartier Le Corbusier à La Chaux-de-Fonds (et bien d’autres). Demain, nous entendons prolonger cette action en tentant de revaloriser avec les communes les friches dans toutes les régions du canton ;
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la mise en place d’une véritable politique foncière, avec de premières acquisitions stratégiques (L’Express à Neuchâtel, terrains proches de l’hôpital de La Chaux-de-Fonds) ;
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le soutien aux projets d’autres acteurs (publics et privés) : hôtels d’entreprises, soutien à l’innovation, notamment dans le cadre de la nouvelle politique régionale.
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Au cours de la prochaine législature, nous serons en mesure de concrétiser de nombreux projets initiés cette législature et de débuter la réalisation des grandes infrastructures de transports. Nous entendons aussi mettre en œuvre la politique foncière dont nous avons jeté les bases et mettre le projet NPR en phase avec les objectifs régionaux discutés actuellement avec chacune des régions.
Les efforts seront aussi poursuivis dans l’assainissement (notamment énergétique) des bâtiments de l’État, le développement soutenu par l’État devant être durable et respectueux des générations futures.
- Celui de préserver la dignité de tous.
À cet égard, j’aimerais m’arrêter sur un exemple symbolique, même s’il a rarement été thématisé sous cet angle. Je veux parler des investissements consentis dans les prisons (pour les bâtiments avec une impulsion donnée d’abord par Jean Studer et poursuivie au cours de cette législature, mais aussi en faveur de la santé des détenus).
Ces réalisations permettent de dire que, même s’ils sont temporairement mis à l’écart d’une vie sociale ordinaire, les détenus n’en sont pas pour autant des êtres de seconde catégorie dont on pourrait négliger la dignité. Ils et elles sont des êtres à part entière, qui devront un jour se réinsérer. Les conditions de salubrité qui leur sont imposées et leur santé ne peuvent ainsi pas être négligées.
Je pourrais, au titre du respect de la dignité de tous, citer aussi les investissements préparés pour améliorer les conditions d’exercice de la justice. Le projet d’hôtel judiciaire n’est ainsi pas uniquement un projet de bâtiment : il représente une amélioration notable des conditions dans lesquelles sont accueillis les justiciables et favorable à leur dignité (certains devant à l’heure actuelle prendre connaissance de dossiers sensibles, et qui peuvent les toucher personnellement ou les émouvoir, dans des salles d’attente en présence d’autres personnes). Les conditions de sécurité seront aussi grandement améliorées.
- Celui de la solidarité
À ce sujet, je citerai les moyens croissants consacrés à politique sociale, à la politique en faveur des aînés, à l’insertion et à la réinsertion professionnelle.
Mais j’aimerais évoquer aussi l’action menée dans le domaine de l’asile où notre canton a su assumer ses responsabilités et a relevé ce défi sans heurts particulier. Il l’a fait grâce notamment au dialogue serein entretenu par Jean-Nat avec la population et avec les autorités communales, dont l’esprit d’ouverture doit être souligné.
Ces efforts, nous entendons les poursuivre au cours de la prochaine législature, avec notamment les refontes nécessaires de notre système social et de notre système fiscal et avec la conviction que, dans le domaine social aussi, les prestations doivent prendre plus d’importance que les structures.
- Celui de garantir les libertés individuelles
Et j’aimerais évoquer à ce sujet le projet de loi sur la reconnaissance des communautés religieuses. Un rapport qui offre l’occasion de réaffirmer que, si nos institutions sont laïques, chacun a droit au respect de sa liberté de croyance, de conscience et de pratiques religieuses ; et un projet qui permet de définir les conditions du respect de la liberté de chacun dans celui des règles de vie collective.
Chères et chers camarades,
Fédérer les forces, stimuler les énergies, offrir des perspectives pour tous, assurer les solidarités, garantir le respect et la dignité de chacun et donc la protection des plus fragiles et pour cela défendre les moyens essentiels à l’action publique. Voilà la conception que nous avons ensemble de longue date du rôle de l’État ; voilà ce que Monika, Jean-Nat et moi avons encore envie de défendre lors de la prochaine législature ; voilà ce qui nous rassemble et voilà donc ce qui nous conduit à solliciter à nouveau votre confiance, une confiance essentielle que le parti nous a accordée tout au long des quatre ans écoulés. Avant de solliciter son renouvellement, Monika, Jean-Nat et moi souhaitons vous remercier de celle ressentie depuis 4 ans.
Permettez-moi de terminer par un souhait : celui que le Parti socialiste, avec la force militante admirable qui est la sienne, conserve la fierté d’être le parti qui suscite et accompagne les transformations sociales et celles de nos institutions.
Je vous remercie.
Laurent Kurth