Ruth Dreifuss, ancienne conseillère fédérale et Présidente de la Confédération en 1999, nous a fait l'honneur de venir nous narrer l'histoire de l'assurance maladie en Suisse et expliquer pourquoi la LAMal va mal.

Voir le compte-rendu qu'en a fait Remo De Tomi, de Canal Alpha.
Voir le compte-rendu qu'en a fait Remo De Tomi, de Canal Alpha.

Une conférence passionnante qui a non seulement retracé l'histoire de l'assurance maladie du XIXe siècle jusqu'à nos jours, mais qui a démonté les mécanismes qui aujourd'hui détruisent ce projet social et font augmenter les primes au-delà de toute proportion raisonnable.

Le parti Socialiste suisse vient de lancer une initiative « Primes abordables pour tous » qui demande que la Confédération, avec les cantons, fasse en sorte que les primes des caisses maladie ne dépassent pas 10 % du revenu des ménages. Rappelons que la loi acceptée par les Suissesses et les Suisses prévoyait que ces primes ne dépassent pas 8 % des salaires !

Rappelons aussi que, lorsque Ruth Dreifuss est entrée au gouvernement, le projet « LAMal » de Flavio Cotti était déjà sous toit et qu'elle n'a pas pu modifier la loi avant son entrée en vigueur.

Le projet de la LAMal était, pour elle, une construction qui devait évoluer dans le sens d'une assurance sociale comparable à l'AVS ou autres caisses de compensation. Les forces en présence ont inversé l'évolution en faisant de l'assurance maladie une assurance presque comme les autres. Il n'y a pas de pilote dans l'avion, mais des forces discordantes : la pharma, les assurances, les établissements hospitaliers, les médecins… Et les politiciens de droite, majoritaires au parlement fédéral, veulent toujours croire que « la main invisible » du libéralisme finira par trouver l'équilibre miracle au milieu de ces champs de foire disparates pour le bonheur de tous. En attendant, les pauvres et la classe moyenne trinquent alors que d'autres se frottent les mains et se remplissent les poches. Les assureurs ont, par ailleurs, tout avantage à ce que la LAMal explose, laissant le champ libre à une libéralisation totale de l'assurance maladie.

Par ailleurs, en 2012, la libéralisation des prestations dans le domaine de la santé a contribué à l'explosion des coûts. Alors que les cantons doivent planifier les interventions, les patients ont le libre choix de se faire soigner dans n'importe quel établissement où que ce soit en Suisse. Cela ne peut que créer des déséquilibres. De plus, dans certaines cliniques privées, les médecins ont des obligations de rendement qui provoquent une surconsommation médicale.

Dès lors, il n'y a pas trente-six solutions. Il faut revenir aux fondamentaux et à une triple solidarité : la solidarité intergénérationnelle, celle entre bien-portants et malades et la solidarité entre riches et pauvres. Les priorité sont donc

  • d'établir une gouvernance, c'est-à-dire un cadre légal donnant plus de pouvoir de la Confédération et aux cantons ;
  • de supprimer les incitations négatives de surconsommation.

À la question de « Pourquoi garder un système aussi inefficace ? » Ruth Dreifuss insiste sur le fait que ce système n’est pas inefficace pour tout le monde… Beaucoup s’enrichissent... Il faut donc des règles et un pilote pour gouverner le système de santé.

2019-04-05