L'« Impartial » et quelques irréductibles mis à part, personne ne conteste qu'à La Chaux-de-Fonds, dimanche soir, la majorité de gauche a remporté une grande victoire.
Attaquée sur tous les fronts, de manière franche ou larvée, par la force et par la ruse, en butte aux assauts de cinq partis, dont deux étaient parés du redoutable prestige de la nouveauté, la gauche a résisté et, mieux encore, a consolidé ses positions en gagnant un siège au Conseil général.
II ne sert à rien de répondre à cela que le pourcentage global de la gauche a diminué. C'était évident que l'entrée en lice de deux nouveaux partis allait nécessairement affaiblir les formations anciennes, celles de la majorité y comprise. L'important, c'était d'abord de conserver un pourcentage global supérieur à 50 %, et nous y sommes parvenus, puis d'empêcher les chrétiens-sociaux et les indépendants d'entrer au Conseil général, c'est-à-dire d'obtenir le quorum, et nous y sommes parvenus aussi.
Après leur échec de La Chaux-de-Fonds, qui se double d'une grave défaite au Landeron, les chrétiens-sociaux doivent comprendre qu'il n'y a pas de place pour un parti confessionnel, quel qu'il soit, dans le canton de Neuchâtel. Et dans la mesure où le Parti socialiste s'est toujours opposé à toute forme de discrimination, religieuse ou autre, il ne peut que se réjouir de la maturité politique affirmée par l'électorat catholique de notre ville, qui ne s'est pas laissé prendre au piège de la démocratie-chrétienne. Au reste, l'élection de plusieurs citoyens d'obédience catholique sur les listes de différents partis, est la meilleure démonstration que la tentative des chrétiens-sociaux ne visait qu'à créer un faux problème.
Plusieurs militants chrétiens-sociaux et de nombreux électeurs qui ont voté la liste chamois sont, nous le savons, d'anciens sympathisants socialistes et d'authentiques représentants du monde des travailleurs. À ceux-là, passé l'amertume de la défaite, nous disons que notre parti leur est ouvert. Nous leur tendons une main fraternelle pour qu'ils viennent combattre à nos côtés pour la juste cause du socialisme démocratique. Notre parti a toujours été fier de compter parmi ses militants des croyants de toutes confessions, aussi bien que des agnostiques et des libres penseurs. Au lieu de se retirer sous leur tente en pleurant leurs illusions perdues, les chrétiens-sociaux qui partagent notre souci de réaliser un monde plus juste et plus fraternel trouveront au Parti socialiste de nouvelles raisons d'espérer et de lutter.
Quant à l'Alliance des indépendants, parti de droite voué à la défense d'une chaîne d'épicerie, si elle est parvenue à abuser une partie de l'électorat qui votait traditionnellement à gauche, ce n'est que pour un temps. La défaite du parti zurichois nous réjouit profondément. Elle est la preuve que les Chaux-de-Fonniers ne sont pas à vendre, même à ceux qui y mettent le prix et se parent du prestige de l'« intégrité ». En fait de leçon d'honnêteté, le « landesring » vient d'en recevoir une, et des plus cinglantes.
Mais si la gauche a vaincu, notre parti n'est pas sorti sans dommages de la lutte. Il perd un siège et voit l'écart entre ses forces et celles du POP d'extrême-gauche s'amenuiser dangereusement. Nous devrons en tirer les leçons pour l'avenir, car, aujourd'hui comme hier, nous entendons tout mettre en œuvre pour que la gauche démocratique reste le dénominateur commun de la grande majorité des travailleurs chaux-de-fonniers. Déjà, et quoi qu'on en pense dans certains milieux, la situation s'est largement améliorée depuis 1965 (élections cantonales) et 1967 (élections nationales). Le redressement du parti - qui revient de loin, il faut le reconnaître - est indéniable. Il se poursuivra. Dans la compétition qui oppose, à La Chaux-de-Fonds et ailleurs, le socialisme démocratique au communisme, à travers et grâce à l'unité d'action, usant d'arguments loyaux et nous refusant à sacrifier sur l'autel de la démagogie la plus vile, nous prouverons que l'idéal de la gauche démocratique reste le plus fort.
Ce qui vient de se passer à La Chaux-de-Fonds, et c'est en quoi j'y vois une exemplaire leçon politique, c'est la preuve que le courage de faire front, la détermination des hommes, le refus d'user de procédés qui déshonorent ceux qui s'en servent, sont payants. Songez où nous en étions il y a quelques mois, camarades, voyez où nous sommes parvenus aujourd'hui. Après cinquante ans de pouvoir, devenu pour chacun de nos adversaires l'ennemi public numéro un, notre parti reste le plus fort et le plus grand de cette ville. Lorsque ceux qui nous vouent tous les quatre ans à la plus misérable des défaites pourront en dire autant, nous nous inclinerons.
En attendant, le parti vous dit merci à vous tous, militants fidèles, électeurs et électrices clairvoyants, qui avez eu foi dans votre ville socialiste, cité heureuse.
Raymond Spira