L’inflation, c’est l’épouvantail qui sert à justifier des politiques très avantageuses pour les détenteurs de capitaux, mais coûteuses pour la stabilité durable, la croissance et le bonheur humain.

Ce que les néo-libéraux prétendent : « Jusqu’aux années 1970, l’inflation était l’ennemi public numéro un de l’économie. Heureusement, depuis les années 1990, on a tué le dra­gon de l’inflation, parce qu’on s’est montré plus dur à l’égard du déficit budgétaire des États et qu’un nombre croissant de banques centrales sont devenues politiquement indé­pendantes. »

Ce qu’ils ne disent pas :

L’inflation a peut-être été domptée, mais l’économie mondiale est devenue beaucoup plus chancelante. Les proclamations enthousiastes sur notre succès dans la lutte contre la vo­latilité des prix depuis trente ans ne disent mot de l’instabilité extraordinaire qui a caractéri­sé les économies du monde entier pendant cette même période. Il y a eu un nombre considérable de crises financières depuis une quarantaine d’années. Le combat contre l’inflation s’est fait au détriment de l’emploi et de la croissance économique.

Bien qu’on affirme que la stabilité des prix est la condition préalable de la croissance, les politiques conçues pour réduire l’inflation n’ont produit qu’une croissance anémique depuis les années 1990.

L’inflation est-elle vraiment le mal absolu ?

  • Les politiques nécessaires pour réduire l’inflation à un très faible niveau décou­ragent l’investissement.
  • Non seulement ces politiques anti-inflation ont nui à l’investissement et à la crois­sance, mais elles n’ont même pas réussi à atteindre leur objectif supposé : consoli­der la stabilité économique.

Fausse stabilité

Depuis les années 1980, la lutte anti-inflationniste a été un objectif prioritaire dans de nombreux pays. On les a aussi incités à accorder l’indépendance politique à leurs Banques centrales pour qu’elles puissent relever considérablement les taux d’intérêts. La victoire a été particulièrement éclatante dans les pays riches : tous ont vu l’infla­tion chuter.

Mais, le monde n’est devenu plus stable que si nous considérons la faiblesse de l’inflation comme l’unique indicateur de la stabilité économique.

En fait, la fréquence et l’envergure des crises financières ont augmenté ; donc, à cet égard, le monde est donc devenu plus instable.

Par ailleurs, l’insécu­rité de l’emploi qui a considérablement augmenté durant les trois dernières décennies a été un autre facteur de déstabilisation. La part des emplois à durée déterminée a augmenté dans la majorité des pays riches et les cessations d’emploi involontaires représentent désormais un pourcentage beaucoup plus élevé. Des emplois qui étaient très majoritairement sûrs sont devenus peu sûrs. De plus, si certains emplois sont restés sûrs, leur nature et leur intensité font à présent l’ob­jet de changements plus fréquents et plus importants.

Enfin l’État-providence a rétréci depuis les années 1980, si bien que les gens se sentent moins en sécurité.

La stabilité des prix n’est qu’un indicateur parmi d’autres de la stabilité économique.

La coexistence de la stabilité des prix et de la montée des autres formes d’instabili­té économique, par exemple la multiplication des crises bancaires et l’aggravation de l’insécurité de l’emploi, n’a rien d’une coïncidence. Tous ces phénomènes résultent du même ensemble de politiques néo-libérales.

Le pourcentage de pays qui subissent des crises bancaires est en relation très étroite avec le degré de mobilité internationale des capitaux. La montée de l’insécurité de l’emploi est ainsi une conséquence directe des politiques li­bérales.

Beaucoup d’ac­tifs financiers ont des taux de rendement nominaux fixes ; aussi l’inflation ré­duit leur rendement réel. Donc les possesseurs de capitaux mettent au premier plan la lutte contre l’inflation afin de préserver leurs bien, au détriment de ceux pour qui le seul bien est leur force de travail.

L’inflation, c’est l’épouvantail qui sert à justifier des politiques très avantageuses pour les détenteurs de capitaux, mais coûteuses pour la stabilité durable, la croissance et le bonheur humain.

Luc Rochat

2017-03-31