Internet a tué les distances et, dans ce monde sans frontières qui s’est créé, les vieilles conventions sur les intérêts économiques nationaux et le rôle des États-nations n’ont plus aucune validité. Individus, entreprises ou nations, nous allons tous devoir nous flexibiliser encore davantage, ce qui nécessite de libéraliser encore davantage les marchés.

Ce qu’on ne vous dit pas

Proportionnellement, le Brésil a 12-13 fois plus de domestiques que les États-Unis et l’Égypte, 1800 fois plus que la Suède.

La raison principale pour laquelle les domestiques sont tellement moins nombreux dans les pays riches, c’est que le prix relatif du travail est plus élevé. Avec le développement économique, les personnes deviennent plus coûteuses en terme « relatif » que les « biens ». Raison pour laquelle tant d'entreprises investissent dans l'automatisation, espérant ainsi économiser sur le long terme.

L’apparition des appareils électroménagers, avec celle de l’électricité, de l’eau courante et du gaz de ville, a totalement transformé la façon dont vivaient les femmes, et par conséquent les hommes. Elle a permis aux femmes d’entrer en nombre bien plus important sur le marché du travail. Avec la possibilité d’emploi extérieur, le coût d’opportunité des enfants a augmenté, ce qui fait que les familles en ont moins.

Comparé aux changements provoqués par la machine à laver, l’impact d’Internet n’a pas été aussi fondamental, du moins jusqu’à présent. En termes de processus de production, il n’est pas évident que son impact ait été si révolutionnaire.

La fascination qu’exerce la révolution des technologies de l’information et de la communication a amené certains pays riches à une conclusion erronée : fabriquer des biens est si « vieux jeu » qu’ils doivent essayer de vivre d’idées.

Encore plus inquiétant, cette fascination pour Internet à pousser des entreprises, des fondations caritatives et des particuliers à faire des dons aux pays en développement pour qu’ils achètent du matériel informatique et des équipements d'accès à la Toile ; alors qu’il aurait été plus utile d’étendre leurs réseaux électriques, de fabriquer des machines à laver moins coûteuses, ce qui aurait peut-être davantage améliorer leur vie que la remise d’un ordinateur portable.

Comprendre les tendances technologiques est très important pour concevoir correctement la politique économique au niveau national et international. Mais la fascination qu’exerce sur nous le « tout récent » et notre sous-estimation de ce qui est déjà courant peuvent nous conduire, et nous ont conduits, sur toutes sortes de fausses pistes.

« J’ai exprimé cette idée de façon délibérément provocatrice en dressant contre Internet l’humble machine à laver ; ce que j’aimerais montrer c’est que les chemins par lesquels les forces technologiques ont modelé l’évolution économique et sociale dans le cadre du capitalisme sont beaucoup plus complexes qu’on ne le croit souvent. » Ha-Joon Chang

Luc Rochat

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2017-03-03