Loin d’être catastrophique, un refus le 12 février ouvrirait la voie à une réforme équilibrée tant pour l’économie que pour les finances publiques

Les adversaires de la réforme de la fiscalité des entreprises sont-ils des irresponsables, prêts à sacrifier la prospérité du pays sur l’autel de l’idéologie ? C’est ce que tentent de faire croire les partisans de la réforme dans une campagne axée pour l’essentiel sur la peur.

En octobre 2016 déjà, Ueli Maurer qualifiait un éventuel refus de catastrophe économique avec le départ immédiat de toutes les sociétés à statut spécial, et à la clé une perte de revenu fiscal de 5 milliards et la suppression de 150’000 emplois. Plus récemment, il menaçait d’un plan d’austérité de plusieurs milliards de francs dès le 13 février en cas de rejet de la RIE III. Dans son tous-ménages digne d’une campagne de l’UDC, l’Union suisse des arts et métiers n’hésite pas à mentionner l’appui apporté à la réforme par deux magistrats de la gauche genevoise, un mensonge grossier qui a suscité un démenti cinglant des intéressés.

Le sommet de l’hystérie est atteint par la dernière étude commandée par Economiesuisse. Sur la base de données imaginaires – aucune donnée fiscale et économique des entreprises prises en compte – et de scénarios fantaisistes, les «experts» prévoient qu’un échec de RIE III mettrait en danger un quart du PIB et 848’000 emplois et priverait l’AVS de plus de 5 milliards de francs de cotisations. On est en plein délire.

Visiblement, la distillation à grande échelle de la peur ne fait que traduire les craintes des partisans de la réforme. Quand les arguments factuels font défaut, il ne reste plus qu’à susciter un sentiment de panique.

Personne ne conteste la nécessité d’une réforme de la fiscalité des entreprises. Le premier projet présenté par Eveline Widmer-Schlumpf prévoyait des compensations pour les pertes fiscales, notamment en mettant à contribution les actionnaires. Celui qui est maintenant soumis au vote est très différent de cette mise en conformité de notre fiscalité avec les standards internationaux. Au lieu de supprimer les privilèges accordés par les cantons aux sociétés dont l’essentiel des bénéfices sont réalisés à l’étranger, le Parlement a ficelé un paquet de réductions fiscales de plusieurs milliards de francs, incitant les cantons à se livrer à une concurrence fiscale suicidaire.

Les intentions de la nouvelle majorité parlementaire issue des urnes à l’automne 2015 sont claires. En diminuant les ressources des collectivités publiques, elle justifie les programmes d’économies à venir, qui suivront ceux déjà en cours. Car cette majorité sait qu’une augmentation des impôts ne trouvera que très difficilement le soutien d’une majorité populaire.

Le rejet de RIE III ouvrirait rapidement la voie à une réforme équilibrée. À savoir un taux plancher d’imposition d’au minimum 16%, qui reste encore modeste en comparaison internationale. Et une participation des actionnaires, qui seront les premiers à profiter d’une fiscalité allégée des entreprises, par le biais d’une taxation équitable des dividendes et d’une imposition des gains en capitaux.

Reste un aspect jamais évoqué et opportunément rappelé par Rudolf Strahm dans sa dernière chronique. Les niches fiscales prévues par la RIE III vont profiter en premier lieu aux grandes entreprises sises dans les cantons à forte dynamique économique, au détriment des cantons financièrement faibles qui ne pourront abaisser leur taux dans la même mesure. La réforme, prétendument conçue pour profiter à tous et respecter l’autonomie des cantons, va au contraire accentuer les disparités entre cantons et affaiblir la cohésion confédérale.

Jean-Daniel Delley

 

2017-01-28