Cette session a été marquée par l'arrogance hors du commun d'une extrême-droite et d'une droite majoritaires qui ont imposé des coupes drastiques dans le Budget 2017 alors que depuis 2003 la Confédération a fait 25 milliards de bénéfices, soit 10 fois plus que ce que les différents budgets prévoyaient.

Les premiers jours ont été marqués par les élections des divers responsables de nos autorités qui conduiront nos travaux durant l’année 2017. Au niveau du Conseil fédéral, Doris Leuthard et Alain Berset ont été brillamment élus respectivement à la présidence et à la vice-présidence. Au Conseil national, nos collègues Jurg Stahl (UDC), Dominique de Buman (PDC) et Marina Corobbio Guscetti (PS) occupent les sièges de président et de premier et deuxième vice-président-e.

En dehors de ces aspects protocolaires, et outre le traitement de nombreuses propositions de parlementaires, deux grands thèmes ont occupé une place prépondérante durant la session. Il s’agit d’abord du Budget 2017 qui est fortement influencé par le Programme de stabilisation 2017-2019 qui prévoit des coupes annuelles à hauteur d’un milliard environ par rapport à la planification financière.

La majorité de droite (UDC-PLR souvent appuyée par le PBD et les Verts-libéraux) a imposé, avec une arrogance hors du commun, des coupes drastiques qui vont au-delà encore des propositions du Conseil fédéral… tout cela au nom d’une orthodoxie financière qui ne tient pas compte des réalités actuelles. En effet, le bouclement provisoire des comptes 2016 laisse apparaître de confortables bénéfices, de l’ordre de plus de 2 milliards, et on veut nous faire croire une fois de plus qu’il s’agit de circonstances exceptionnelles et que le pire est devant nous ! Rappelons au passage que depuis l’introduction du frein à l’endettement (en 2003), le Conseil fédéral a systématiquement sous-évalué les bons résultats financiers de la Confédération ; ainsi au total sur l’ensemble de cette période, il a évalué les bénéfices à hauteur de 2,5 milliards alors que les résultats cumulés des comptes ont dégagé près de 25 milliards de bénéfice !

Bien sûr, les partisans des économies à tout prix doivent prendre en compte les effets désastreux qu’aura la 3ème révision de l’imposition des entreprises (RIE 3) sur les recettes de la Confédération qui risque de perdre 1,3 milliards de rentrées fiscales chaque année si cette révision n’est pas rejetée le 12 février prochain ! Mais ce n’est pas une raison suffisante pour prévoir d’ores et déjà un affaiblissement de l’État et de ses prestations. Ainsi d’importantes coupes ont été prévues au Budget 2017 dans les dépenses propres de la Confédération, en particulier en ce qui concerne le personnel. La coupe prévue de 50 millions provoquera la suppression de 370 postes de travail alors que les exigences de prestations ne cessent de croître. Une situation semblable se présente dans l’aide au développementles énormes coupes décidées provoqueront la remise en question d’importants projets visant à aider les populations de pays en guerre ou en grandes difficultés matérielles. Il est pour le moins paradoxal de constater que les mêmes qui souhaitent limiter l’immigration à partir de ces pays décident de diminuer l’aide que l’on peut leur apporter sur place !

Personnellement, je me suis beaucoup engagé dans le débat budgétaire pour éviter des coupes, voulues par l’UDC et le Conseil fédéral, dans les secteurs de la formation, de la recherche et de l’innovation et c’est un des rares succès que nous avons obtenus. Ainsi la formation professionnelle supérieure, les universités, les HES et les EPF pourront compter sur des soutiens financiers qui répondent pour l’essentiel à leurs besoins en 2017 et il en sera de même pour le CSEM !

À propos de la mise en œuvre de l’initiative (du 9 février 2014) contre l’immigration de masse, le Conseil fédéral et le Parlement se trouvent confrontés à la « quadrature du cercle ». En effet, suite aux nombreux contacts avec l’Union européenne, il est aujourd’hui absolument certain qu’une mise en œuvre des contingents inscrits dans l’article 121a de la Constitution provoquerait la dénonciation de l’accord sur la libre circulation des personnes et, en vertu de la clause guillotine, de tout un paquet d’accords bilatéraux absolument vitaux pour l’économie de notre pays !

De plus, nous devions impérativement trouver, avant fin décembre 2016 une solution permettant d’éviter notre exclusion complète du Programme européen de recherche « Horizon 2020 » qui est essentiel pour l’avenir de la recherche et de l’innovation… et la sauvegarde de très nombreux emplois en Suisse.

Dans ces conditions, le dispositif mis en place, contre l’avis de l’UDC et sans un soutien explicite du PDC (qui s’est abstenu), est une solution qui permet à notre pays de sauver l’essentiel dans ses relations avec l’Union européenne… mais il ne s’agit sans aucun doute que d’une victoire d’étape sur le long chemin de la régularisation de ces relations qui ont été fortement mises à mal par l’acceptation de l’initiative !

Concrètement, en cas de taux de chômage supérieur à la moyenne dans certains groupes de professions, domaines d’activités ou régions économiques, un mécanisme bien précis sera déclenché : Les employeurs devront annoncer leurs postes vacants aux offices régionaux de placement (ORP). Ils devront auditionner les candidats ayant les qualifications nécessaires sélectionnés par les ORP et communiquer au Service cantonal de l’emploi le résultat de leurs auditions… mais ils ne seront pas contraints de justifier leur éventuel refus d’engager un candidat inscrit à l’ORP. Ce dernier point affaiblit quelque peu le dispositif, mais le centre droit craignait qu’il génère trop de bureaucratie !

Ce dispositif semble assez bien accueilli par nos partenaires européens mais il rend furieux l’UDC qui crie au scandale d’un non-respect de la volonté populaire exprimée le 9 février 2014 ! À ce propos, il convient de relever qu’à l’époque l’UDC a trompé le peuple en affirmant haut et fort que l’acceptation du texte de leur initiative ne remettrait pas en cause les accords bilatéraux. Ce gros mensonge, que nous dénoncions déjà à l’époque, est aujourd’hui une évidence. D’autres votations à venir, en particulier sur un contre-projet à l’initiative RASA devraient permettre de clarifier ce que veut vraiment la majorité des citoyens, mais pour l’instant, nous sommes parvenus à sauver l’essentiel dans une situation très périlleuse.

Durant cette dernière session, j’ai déposé quelques interventions parlementaires :

  • Une interpellation, déposée conjointement par Raphaël Comte au Conseil des États, pour demander au Conseil fédéral de bien prendre en compte l’aspect novateur de certains projets (comme celui de la ligne directe Neuchâtel-La Chaux-de-Fonds-Le Locle) dans la procédure de sélection des projets de construction d’infrastructures ferroviaires dans le cadre de PRODES 2030.
  • Une interpellation demandant de mettre fin à la « cacophonie » qui règne entre différents offices fédéraux qui donnent des préavis contradictoires à propos de projets de construction d’éoliennes à proximité de terrains d’aviation notamment.
  • Une motion demandant que les produits d’hygiène corporelle de base (tampons et serviettes hygiéniques, langes pour bébés…) puissent bénéficier du taux réduit de TVA (de 2,5%) comme les autres produits de première nécessité.
  • Une motion demandant que l’on interdise la mention de l’âge dans la publication d’offres d’emplois afin d’éviter la discrimination des candidats âgés.
  • Une motion, déposée conjointement avec Didier Berberat au Conseil des États, visant à mettre fin à l’inégalité de traitement en matière d’imposition des pensions alimentaires versées pour des enfants mineurs et majeurs et à harmoniser au mieux le régime des déductions pour enfants entre les couples mariés et divorcés.

Jacques-André Maire

2016-12-18