Le point central de cette séance a été le vote de la restitution du tableau de Constable spolié à la famille Jaffé en 1943 à Nice.

Dans ce dossier le PS a joué lors de la séance un rôle déterminant pour accepter ce rapport et l'assortir d'un postulat qui nous paraît essentiel.

Voici d'abord l'intervention de Pascal Bühler, en outre membre de la commission du Musée des beaux-arts :

Le groupe socialiste a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt de l’excellent et intéressant rapport, bien rédigé et développé relatif à la demande de restitution du tableau de « La vallée de la Stour » peint par John Constable, exposé dans notre Musée des beaux-arts.

Tout d’abord, il tient à saluer la très bonne qualité du rapport, clair, concis, mais complexe, et en remercie le Conseil communal, ainsi que ses auteur-e-s.

Ce rapport peut et doit se lire et se comprendre sous différents angles de vue. Nous avons relevé au moins 5, à savoir les angles historique, juridique, moral, financier et philosophique.

Mais notre approche n’a pas la prétention d’être exhaustive, loin s’en faut ! Nous nous garderons d’aborder, par exemple, tant l’aspect émotionnel de cette affaire que son caractère potentiellement polémique !

Il est nécessaire de replacer ce tableau dans son cadre historique, c’est-à-dire sous le régime nazi et dans l’horreur des persécutions infligées au peuple juif qui se sont déroulées dans toute l’Europe dès 1933 à et jusqu’à la fin de la guerre en 1945.

En effet, c’est sous le régime de Vichy, en 1942, à Paris, après le décès d’une dame nommée Anna Jaffé, que le Commissariat aux affaires juives s’est saisi de la totalité des biens de cette famille, y compris d’une collection de tableaux, dont le fameux tableau de La vallée de la Stour du peintre anglais John Constable et les a vendus aux enchères à Nice en 1943. Il s’agit bel et bien d’une spoliation d’héritage et à ce titre, il ne fait aucun doute que les principes de la Conférence de Washington relatifs aux œuvres d’art confisqués par les nazis à l’époque de l’Holocauste trouvent leur application.

Sous l’angle du droit, il faut relever toute la pertinence du sacro-saint principe de la bonne foi et de sa présomption quand on envisage ce principe à côté du droit international privé et de la revendication d’un droit de propriété sur un objet mobilier, de la possession, du droit successoral et des charges d’un legs, auxquels il faut ajouter certaines règles de procédure de for et de prescription, ainsi que de droit administratif et de droits politiques.

A titre personnel, j’approuve entièrement les conclusions de l’avis de droit rendu par le professeur Pierre Lalive, en juillet 2008, selon lesquelles je cite, en page 12, « la Ville est indiscutablement propriétaire du tableau en question, cela tant en raison de son acquisition de bonne foi par legs que de sa possession paisible et ininterrompue durant de longues années (…) » (fin de citation) et qu’elle aurait également le droit de réclamer, en sa qualité de possesseur de bonne foi et sur la base de l’art. 939 CC le remboursement des impenses nécessaires et utiles qu’elle a faites et qui lui sont reconnues sous la forme du versement de 80'000 euros, à partager en deux avec les héritiers Junod.

Quant à l’aspect moral de ce rapport, il ne fait aucun doute que le devoir moral impose la restitution du tableau aux héritiers de la propriétaire défunte spoliée par l’Etat français, même si nous ne pouvons pas entendre et tolérer l’insinuation selon laquelle toute résistance à une demande de restitution de biens spoliés serait entachée d’antisémitisme.

Nous tenons ici à féliciter le Conseil communal d’avoir réussi à faire valoir, dans l’accord qui devrait être entériné ce soir, notre moralité à nous Chaux-de-Fonniers, à savoir la reconnaissance que tant les héritiers Junod que la Ville de La Chaux-de-Fonds ont acquis ou reçu ce tableau de bonne foi, reconnaissance qui est garante d’une réciprocité indispensable dans les bons rapports moraux et éthiques entre des parties différentes.

De plus, pour le Parti socialiste, moralement parlant, il serait indigne de tomber maintenant dans un antisémitisme de bas étage, comme il serait inapproprié que nous nous auto-flagellions de ne pas avoir restitué, à la première demande, le tableau.

Sous l’angle vénal, à la lecture des articles parus dans la presse, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que l’action en restitution faite par l’Indivision Jaffé a un aspect également purement mercantile, ce que nous déplorons.

En effet, il nous semble non seulement nécessaire, mais également utile pour les générations actuelles et à venir que ce Tableau puisse continuer de servir de devoir de mémoire !

Toutefois, nous espérons et en cela l’article de presse paru dans L’Impartial du 16 courant, devrait nous rassurer un peu puisqu’on peut y lire que M. Alain Monteagle, souhaite que le tableau continue de servir au devoir de mémoire dans un musée autre cependant que celui de La Chaux-de-Fonds !

Cette déclaration est un des éléments qui nous a fait déposer notre postulat que nous développerons plus tard, après l’adoption du présent rapport.

Quant au dernier aspect relevé, soit l’aspect philosophique, le rapport nous déçoit quelque peu, car jamais dans les négociations qui se sont engagées entre le Conseil communal et l’indivision, on ne s’est demandé si on allait restituer une œuvre ou un simple objet marchand. Une œuvre d’art (conçue par un artiste dans une carrière artistique, admirée par un public, restaurée, commentée et exposée dans des musées lors de prêts (comme à Londres en 1991)) a une vie éthique, un monde à soi. Il n’est pas seulement, à nos yeux, qu’un simple objet !

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons nous préoccuper du destin futur de ce tableau !

Enfin et pour finir, nous espérons qu’avec la restitution de ce tableau, il y aura, à l’échelle de notre commune, un avant et un après J-C, comme John Constable !

En conclusion, vous l’aurez compris, le groupe socialiste réitère ses félicitations au Conseil communal pour l’issue juste et équitable qu’il a trouvée dans cette affaire et votera l’Arrêté et proposera un postulat.

Par la voix de Paola Roulet, le POP a été très critique sur l’attitude passée de la famille Junod, du Musée des beaux-arts et du Conseil communal depuis 2006.

Selon la popiste, cette restitution aurait dû avoir lieu bien plus tôt. Si on n’a pas de doute sur le goût esthétique des Junod, il n’est pas évident d’avoir la certitude qu’ils n’aient pas suspecté la provenance du tableau. Pour Mme Roulet, il est donc vraisemblable que la famille Junod savait pourquoi les oeuvres étaient vendues après la guerre.

Quant au Musée des beaux-arts, au minimum, il aurait dû éveiller sa suspicion et si la recherche des sources douteuses du tableau avaient été faites au moment de l’acquisition nous « nous nous serions épargnés » toute cette affaire.

De même, le POP se dit surpris que les autorités aient essayé de prouver leur bonne foi. Enfin, il considère que ce n’est pas à nous de réfléchir où ce tableau ira.

Au nom du PLR, Claude-André Moser, par ailleurs président depuis 10 ans de la commission du Musée des beaux-arts, commence par dire qu’il faut tordre le cou à une fausse rumeur, celle qui claironne que ce tableau a été volé par les nazis et qu’il fallait le rendre sans conditions. En effet, c’est l’Etat français qui a spolié la famille et de nombreux avis de droit pertinents ont poussé la ville à le garder de bonne foi.

M. Moser, contrairement au POP, a rendu hommage à Jean-Pierre Veya qui a fait preuve de beaucoup d’intelligence dans ce dossier. La bonne foi des Junod et du MBA est une évidence surtout que c’est depuis 1999 seulement que la commission française des biens spoliés s’est mise en place. De même le rapport Bergier date de 2002. Pour le PLR, le tableau appartient à la mémoire collective et a sa place dans un musée ; il serait donc regrettable qu’il ne soit plus visible dans une collection publique. Dans tous les cas, une trace de sa présence dans notre musée sera nécessaire dans les salles mêmes du MBA.

Quant à l’UDC, par Marc Schafroth, elle a d’abord été dubitative sur cette œuvre qui « aurait été spoliée » ; doutes également sur les héritiers de la famille Jaffé et surprise de voir que la Ville lâche subitement le morceau, ville qui « a pris une décision hâtive sur la pression » du mauvais état des finances.

Dans son intervention, le Conseiller communal Théo Bregnard, a commencé par relever la valeur et la solennité du débat. Il faut admettre la complexité du dossier sans tomber dans le manichéisme (éviter de dire que le tableau aurait dû être rendu depuis longtemps aux victimes du nazisme et éviter de prétendre qu'il nous appartient de bonne foi). Il faut se référer aux principes de Washington et trouver des solutions justes et équitables, avec nuances.

Moralement, le tableau doit revenir à l'indivision Jaffé et, en même temps, doit être reconnue la bonne foi des Chaux-de-Fonniers. Pour contrer son propre parti, le POP, et défendre le travail transparent d'Edmond Charrière, conservateur de 1984 à 2007, le Conseiller communal a souligné que jamais la provenance de l'oeuvre n'avait été cachée. De même, il faut honorer la mémoire de la grande mécène que fut Mme Junod.

Trois raisons militent pour éviter un long procès : il est inopportun de se laisser entraîner dans une bataille à l'issue incertaine; la commission française d'indemnisation aux victime a admis elle-même que notre ville avait aussi été victime de l'Histoire et, finalement, des coûts potentiellement très importants seraient générés.

Au vote, l'arrêté a été accepté par 34 voix sans opposition.

Après l'adoption du rapport, le PS a déposé et développé ce postulat, toujours par l'intermédiare de Pascal Bühler :

Postulat du parti socialiste

Le Conseil communal est prié d'étudier rapidement toutes les possibilités permettant que, dans le cadre de la restitution faite à l'indivision Jaffé, le tableau de John Constable intitulé « La vallée de la Sour / Dedham from Langham » retrouve sa place d'origine, à Londres; et, même mieux peut-être, au musée de la Tate Gallery, qui serait garant de sa conservation et de sa valorisation, dans le respect de son histoire tragique.

Développement du postulat

Moralement et maintenant politiquement par l’acceptation de l’arrêté, et sous réserve de la reconnaissance formelle de l’Indivision Jaffé, la bonne foi des époux Junod et de la Ville de La Chaux-de-Fonds est reconnue. De plus, le tableau de « La vallée de la Stour » de John Constable appartiendra à nouveau à la famille Jaffé. Elle en fera ce qu’elle veut !

Cependant, pour le Parti socialiste et nous l’espérons la majorité de ce Conseil, SI EN PLUS, le Conseil communal pouvait tenter, par les moyens qu’il juge bons, de servir de médiation avec l’indivision Jaffé pour le futur lieu qui abritera ce chef-d’œuvre, cela serait juste et équitable !

Pour cela, il faudrait rapidement prendre de multiples contacts et parvenir, peut-être,  à une solution qui satisferait toutes les parties.

D’abord l’Indivision Jaffé qui tient, légitimement, à ce que la mémoire tragique du tableau soit ravivée et souhaite aussi vraisemblablement que la somme qu’elle en retirera dans une éventuelle vente corresponde à son estimation sur le marché.

Ensuite nous-mêmes qui avons pris soin de ce chef-d’œuvre en le valorisant dans le respect de sa valeur artistique et de son tragique destin. Les éléments objectifs suivants nous guident donc dans le dépôt du présent postulat :

  • Un tableau ne vit vraiment sa vraie vie que s’il est vu par le plus grand nombre et pas s’il est enfermé dans le coffre d’un collectionneur spéculateur ou dans sa luxueuse maison blindée;
  • Admiré à la fin des années 80 par des conservateurs de la Tate Gallery, à Londres, spécialement venus à La Chaux-de-Fonds, il a été montré dans ce musée en 1991 lors d’une rétrospective de référence consacrée à John Constable et accompagnée d’un catalogue dans lequel il a été commenté;
  • Son petit frère, en l’occurrence une petite esquisse à l’huile représentant la même vue, est possédée par la Tate Gallery et actuellement présentée dans une salle dédiée audit peintre;
  • La Tate Gallery, par son immense public, sa renommée scientifique et la qualité de ses services pédagogiques, est un musée de référence dans le monde;
  • La Grande-Bretagne regorge de mécènes et de sponsors fiers de valoriser leur patrimoine culturel, beaucoup plus que partout ailleurs en Europe.

Il est donc pour nous de notre devoir, à l’égard de qui est encore NOTRE tableau, de tout faire en sorte que sa vie future soit prise en compte, dans le double souci de sa conservation et de la mise en évidence de son destin tragique. Et peut-être que le meilleur acheteur possible, le meilleur conservateur possible et le meilleur gardien de la mémoire possible est le grand musée londonien …

Le postulat n'ayant pas été combattu, il a été tacitement accepté après un commentaire de Théo Bregnard qui a souligné que ce soir "nous avons fait devoir de mémoire" et que ce postulat poursuit ce devoir. "Je m'engage à essayer de tout faire pour être un intermédiaire auprès de M. Monteagle pour que ce tableau poursuive sa vie dans un musée." Mais, avait-il précédemment souligné, "on ne peut pas aller plus loin" qu'une incitation envers les héritiers.

Le PS a en outre déposé deux motions :

Une application smartphone pour notre ville

La communication est au coeur de notre société contemporaine, et notre ville fait un travail remarquable et respectable à travers son service de la communication. Sa contribution est de plus très appréciée par notre population. Afin de mettre davantage en valeur et à profit tous ces efforts, un outil technique facilité - basé sur la version mobile de notre site internet actuel, développé en parallèle ou séparément - permettra à tout un chacun de bénéficier d'un accès direct et simplifié à l'actualité de notre ville, mais aussi de recevoir directement des alertes (notifications). Par exemple, la promotion des événements culturels à travers l'agenda local pourrait en faire partie, tout comme la publicité de nos commerces locaux. Dans une perspective évolutive à l’image des Smart Cities, nous demandons donc au Conseil communal de réfléchir à la création d'une application smartphone, de nous en faire une proposition et d'en évaluer les coûts en prenant en compte d'éventuelles participations financières externes.

Oğuzhan Can

Portes-ouvertes de notre administration communale

Les employé-e-s et les infrastructures forment les noyaux de notre ville. Le fonctionnement de cette dernière en dépend. Cependant, il est souvent difficile de s'en rendre compte à quel point, du moment que nous ne sommes pas impliqués dans l'administration communale. Dès lors, il serait intéressant de rendre accessible à toutes et à tous certains de nos services, par exemple, une fois par législature et sur inscription. Ainsi, tout un chacun aurait l'occasion de se plonger dans les outils de gestion de notre ville et d'apprécier au plus près les offres de ses différents services. De cette manière, nos citoyen-ne-s auraient l'occasion de se rendre compte des activités intenses menées par notre Commune et de renouer des liens, malheureusement mises à mal à chaque mauvaise conjoncture. Nous demandons donc au Conseil communal d'étudier la possibilité de réaliser de telles portes-ouvertes et de nous en soumettre une proposition avec un budget préétabli. 

Oğuzhan Can

Daniel Musy

2017-09-28